Italo Testa (Castell'Arquato, 1972), philosophe de
formation, vit à Milan. Il a publié plusieurs recueils de poèmes pour lesquels
il a reçu de nombreux prix : Gli aspri inganni (Lietocolle, 2004), Biometrie (Manni, 2005), La divisione della gioia (Transeuropa, 2010, dont nous avions traduit des extraits), Luce
d’ailanto (Marcos y Marcos, 2010), canti ostili
(Lietocolle, 2007). Aux Beaux-Arts de Milan (Brera), il organise avec Margherita Labbe les rencontres internationales da>verso. Il co-dirige la revue de poésie L'Ulisse. Les textes ci-dessous (qui seront présentés à notre soirée de L'Autre Livre en janvier 2017) sont extraits
de son dernier recueil Tutto accade ovunque (Nino Aragno, 2016).
Non ero io
1. ce n’était pas moi, tu vois, dans cette foule, ce
n’étaient pas mes mains, qui se touchaient, ce n’étaient pas les mains, surtout
ça, je le dis encore une fois, surtout ça, et je n’arrivais pas à les retenir,
toutes ces images, à droite et à gauche, la tension qui monte, ce n’était pas
moi, je te le répète, je ne l’aurais pas fait, je n’aurais pas poussé pour
entrer, n’est-ce pas ? j’ai toujours été le même, celui que tu connais, les
yeux fermés, la tête un peu penchée, ça ne pouvait vraiment pas être moi,
traînant les pieds, avançant, parce que c’est ce qui compte terriblement, ce
qui compte toujours, qui a fait quoi, qui s’est tourné et a répondu, qui a pris
la pierre, l’a retournée entre ses doigts, cette fois-là aussi, je ne pouvais
pas être ce type-là, la mèche ensanglantée, la tempe droite sur le pavé, ce
n’était pas moi, je ne pouvais vraiment pas être ce type, qu’est-ce que j’avais
à voir avec ça, dans le parking vide, derrière le distributeur, pour y faire
quoi, non, crois-moi, ce n’était pas moi
[…]
4. c’est bon à savoir, c’est dans le gris, le gris fer, que
tout se dégrade, c’est bon à savoir, la pacotille, les particules, le tracé
sous-cutané, dans le gris fer, c’est le ton dominant, dans le gris, et la
poussière, par exemple, sur les bords, la poussière dans les fissures, la
poussière, par exemple, et tout le reste, c’est dans le gris, tu vois, la
limaille, ça aussi, le trait, le ton dominant, c’est là, dans le gris fer, on n’en sort pas, tout
converge là, tout y revient, et le bourdonnement, le bourdonnent continu, des
grands aspirateurs, les pales qui tournent, sans interruption, dis-je, sans
interruption, jour et nuit, qu’est-ce qui tournoie, là dedans, qu’est-ce qui
tournoie, sans interruption, là aussi, c’est le ton, le trait dominant, quelque
chose comme une turbine, tu vois, quelque chose qui tourne, sans interruption,
tu vois, dans le gris, dans le gris fer, c’est toujours là, dans l’air aussi, à
cette hauteur, dans les spores, que tout, que tout converge, toujours là, dans
le gris fer, c’est bon à savoir
5. à cette hauteur, ici, parfois, certaines choses seulement
se montrent, certaines seulement, les
autres papillonnent, elles passent rapidement, et fuient, certaines choses
seulement, si elles ne s’écartent pas de côté, si elles ne se dérobent pas,
certaines choses seulement, avec tous les détails, les formes précises, les
courbes, certaines choses seulement, et le reste non, regarde, certaines
seulement, que tu peux compter, avec tous les détails, on les reconnaît,
certaines seulement, à cette hauteur, les autres entrent, entrent et sortent,
l’une après l’autre, elles ne s’arrêtent pas, certaines choses seulement,
certaines seulement, dans notre champ de vision, et toujours les mêmes,
n’est-ce pas, toujours les mêmes à cette hauteur, certaines choses seulement se
montrent, il suffit d’un indice, et on les retrouve, et les intervalles, tu as
vu, les intervalles et les cadences, suivent un rythme, tu as vu, qui se
répète, un ordre, un battement, l’un après l’autre, ils reviennent, l’un après
l’autre, comme si c’était, tiens, un refrain, comme si parfois, ici, à cette
hauteur
© les auteurs et
CIRCE
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