porta

porta
Daniela Iaria, "Attraverso la porta bianca-fiume", 39x41 cm, 2004.

vendredi 7 décembre 2012

Andrea Raos



Andrea Raos (1968) a publié Discendere il fiume calmo (Poesia contemporanea. Quinto quaderno italiano, Crocetti, 1996), Aspettami, dice (Pieraldo, 2003), Luna velata (cipM – Les Comptoirs de la Nouvelle B. S., 2003) et I cani dello Chott el-Jerid (Arcipelago, 2010). Il est présent dans des volumes collectifs comme Prosa in prosa (Le Lettere, 2009) et a dirigé l'anthologie de poésies italienne et japonaise contemporaines Chijô no utagoe - Il coro temporaneo (Tokyo, Shichôsha, 2001). Il s’est occupé de faire connaître la jeune poésie italienne en France et vice-versa. Des traductions de ses poèmes ont paru dans les revues Le cahier du refuge (2002), If (2003), Action poétique (2005) et Exit (2005). Le texte ci-dessous est extrait du recueil Le api migratori (Oèdipus, 2007).



Les chemins paralysés



                Tombé loin du vent, il survole une ville.

Nous y sommes à la cogne. Ça se brise.
Se heurte tandis que le vent s’habitue à notre être là.
Le couvrir, ne pas y voir, dans ce cheminement.
              
                Nous avons dépassé un premier pas, un premier fleuve,
                en continuant pendant que le vent passait dit-il.
                Cause la faim ne pas rester, insinue sans cesse, la ville.

« C’est comme un rêve que je faisais, enfant »
nous disait qui nous crée, qui déjà mourait :
centre commercial vu d’en haut, centre immense,
              
                d’étagères par centaines, centaines de mètres de hauteur,
                escaliers l’un contre l’autre, passerelles,
                gens tridimensionnels

marchandise partout, même dehors,
même dedans, en synchronie,
en plusieurs couleurs, musique assourdit.

                Ce sont des surfaces une par espèce,
                ce sont des niveaux d’enchevêtrée et d’éclose,
                de matière

et pleine, et noire, arrive en plein, sur la marchandise, sur la musique,
la horde entière qui se répandait épandue,
vague s’épand et la clientèle explose,
              
s’ouvrent en éventail sur la gerbe en rayons si :
1) produits pour la maison 2) machines à laver 3) livres et quotidiens
4) confiture 5) poissonnerie 6) légumes

et c’est pleine fuite qui se déchire à l’arrière, en arrière,
et qui ne sert pas, totalement
implosée. Qui se ferme en éventail, fait des chemins paralysés, en premier,

                dans la gerbe par une première, ouverte
lacérée.  Toujours moins, alors qu’ils tombent,
l’un engourdi, l’un contracté, oh douleur,

que demandent-ils, que crient-ils, ou réduisent-ils, oh souleur,
cette clientèle noircie, brune
de son sang que rien, ne tient, ne retient
              
                et goutte, et dégoutte. Et tombe. Et entends tandis qu’il varie, comme il tombe
                doux à la douceur son bruissement, l’essaim
                qui tente encore lentement, ouvrir des veines

et en faire des rigoles, des ruisseaux, des branches –
tombent corps
et boîtes.   

                Nous en faisions tellement peu, de ce corps, des corps,
                qu’encore moins il en restait, encore mal.
                C’est comme qui mourait, qui nous crée :

« Encore un peu moins, je t’en prie, un peu moins mal. »



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