Andrea Raos (1968) a publié Discendere il fiume calmo (Poesia contemporanea.
Quinto quaderno italiano, Crocetti, 1996), Aspettami, dice (Pieraldo, 2003), Luna
velata (cipM – Les Comptoirs de la Nouvelle
B. S., 2003) et I cani dello
Chott el-Jerid (Arcipelago,
2010). Il est présent dans des volumes collectifs comme Prosa
in prosa (Le Lettere, 2009) et a dirigé l'anthologie de poésies italienne et japonaise
contemporaines Chijô no utagoe
- Il coro temporaneo (Tokyo,
Shichôsha, 2001). Il s’est occupé de faire connaître la jeune poésie italienne
en France et vice-versa. Des traductions de ses poèmes ont paru dans les
revues Le cahier du refuge (2002), If (2003), Action poétique (2005) et Exit (2005). Le texte ci-dessous est
extrait du recueil Le api migratori (Oèdipus, 2007).
Les chemins paralysés
Tombé loin du vent, il survole une ville.
Nous y
sommes à la cogne. Ça se brise.
Se heurte
tandis que le vent s’habitue à notre être là.
Le couvrir,
ne pas y voir, dans ce cheminement.
Nous avons dépassé un premier
pas, un premier fleuve,
en continuant pendant que le
vent passait dit-il.
Cause la faim ne pas rester,
insinue sans cesse, la ville.
« C’est
comme un rêve que je faisais, enfant »
nous disait
qui nous crée, qui déjà mourait :
centre
commercial vu d’en haut, centre immense,
d’étagères par centaines,
centaines de mètres de hauteur,
escaliers l’un contre l’autre,
passerelles,
gens tridimensionnels
marchandise
partout, même dehors,
même dedans,
en synchronie,
en plusieurs
couleurs, musique assourdit.
Ce sont des surfaces une par
espèce,
ce sont des niveaux
d’enchevêtrée et d’éclose,
de matière
et pleine,
et noire, arrive en plein, sur la marchandise, sur la musique,
la horde
entière qui se répandait épandue,
vague
s’épand et la clientèle explose,
s’ouvrent en
éventail sur la gerbe en rayons si :
1) produits
pour la maison 2) machines à laver 3) livres et quotidiens
4) confiture
5) poissonnerie 6) légumes
et c’est
pleine fuite qui se déchire à l’arrière, en arrière,
et qui ne
sert pas, totalement
implosée.
Qui se ferme en éventail, fait des chemins paralysés, en premier,
dans la gerbe par une première,
ouverte
lacérée. Toujours moins, alors qu’ils tombent,
l’un
engourdi, l’un contracté, oh douleur,
que
demandent-ils, que crient-ils, ou réduisent-ils, oh souleur,
cette
clientèle noircie, brune
de son sang
que rien, ne tient, ne retient
et goutte, et dégoutte. Et
tombe. Et entends tandis qu’il varie, comme il tombe
doux à la douceur son
bruissement, l’essaim
qui tente encore lentement,
ouvrir des veines
et en faire
des rigoles, des ruisseaux, des branches –
tombent
corps
et
boîtes.
Nous en faisions tellement peu,
de ce corps, des corps,
qu’encore moins il en restait, encore mal.
C’est comme qui mourait, qui
nous crée :
« Encore un
peu moins, je t’en prie, un peu moins mal. »
© les auteurs et
CIRCE