porta

porta
Daniela Iaria, "Attraverso la porta bianca-fiume", 39x41 cm, 2004.

jeudi 6 octobre 2016

Italo Testa

Italo Testa (Castell'Arquato, 1972), philosophe de formation, vit à Milan. Il a publié plusieurs recueils de poèmes pour lesquels il a reçu de nombreux prix : Gli aspri inganni (Lietocolle, 2004), Biometrie (Manni, 2005), La divisione della gioia (Transeuropa, 2010, dont nous avions traduit des extraits), Luce d’ailanto (Marcos y Marcos, 2010), canti ostili (Lietocolle, 2007). Aux Beaux-Arts de Milan (Brera), il organise avec Margherita Labbe les rencontres internationales da>verso. Il co-dirige la revue de poésie L'Ulisse. Les textes ci-dessous (qui seront présentés à notre soirée de L'Autre Livre en janvier 2017) sont extraits de son dernier recueil Tutto accade ovunque (Nino Aragno, 2016).


Non ero io


1. ce n’était pas moi, tu vois, dans cette foule, ce n’étaient pas mes mains, qui se touchaient, ce n’étaient pas les mains, surtout ça, je le dis encore une fois, surtout ça, et je n’arrivais pas à les retenir, toutes ces images, à droite et à gauche, la tension qui monte, ce n’était pas moi, je te le répète, je ne l’aurais pas fait, je n’aurais pas poussé pour entrer, n’est-ce pas ? j’ai toujours été le même, celui que tu connais, les yeux fermés, la tête un peu penchée, ça ne pouvait vraiment pas être moi, traînant les pieds, avançant, parce que c’est ce qui compte terriblement, ce qui compte toujours, qui a fait quoi, qui s’est tourné et a répondu, qui a pris la pierre, l’a retournée entre ses doigts, cette fois-là aussi, je ne pouvais pas être ce type-là, la mèche ensanglantée, la tempe droite sur le pavé, ce n’était pas moi, je ne pouvais vraiment pas être ce type, qu’est-ce que j’avais à voir avec ça, dans le parking vide, derrière le distributeur, pour y faire quoi, non, crois-moi, ce n’était pas moi

[…]


4. c’est bon à savoir, c’est dans le gris, le gris fer, que tout se dégrade, c’est bon à savoir, la pacotille, les particules, le tracé sous-cutané, dans le gris fer, c’est le ton dominant, dans le gris, et la poussière, par exemple, sur les bords, la poussière dans les fissures, la poussière, par exemple, et tout le reste, c’est dans le gris, tu vois, la limaille, ça aussi, le trait, le ton dominant, c’est  là, dans le gris fer, on n’en sort pas, tout converge là, tout y revient, et le bourdonnement, le bourdonnent continu, des grands aspirateurs, les pales qui tournent, sans interruption, dis-je, sans interruption, jour et nuit, qu’est-ce qui tournoie, là dedans, qu’est-ce qui tournoie, sans interruption, là aussi, c’est le ton, le trait dominant, quelque chose comme une turbine, tu vois, quelque chose qui tourne, sans interruption, tu vois, dans le gris, dans le gris fer, c’est toujours là, dans l’air aussi, à cette hauteur, dans les spores, que tout, que tout converge, toujours là, dans le gris fer, c’est bon à savoir


5. à cette hauteur, ici, parfois, certaines choses seulement se montrent, certaines seulement,  les autres papillonnent, elles passent rapidement, et fuient, certaines choses seulement, si elles ne s’écartent pas de côté, si elles ne se dérobent pas, certaines choses seulement, avec tous les détails, les formes précises, les courbes, certaines choses seulement, et le reste non, regarde, certaines seulement, que tu peux compter, avec tous les détails, on les reconnaît, certaines seulement, à cette hauteur, les autres entrent, entrent et sortent, l’une après l’autre, elles ne s’arrêtent pas, certaines choses seulement, certaines seulement, dans notre champ de vision, et toujours les mêmes, n’est-ce pas, toujours les mêmes à cette hauteur, certaines choses seulement se montrent, il suffit d’un indice, et on les retrouve, et les intervalles, tu as vu, les intervalles et les cadences, suivent un rythme, tu as vu, qui se répète, un ordre, un battement, l’un après l’autre, ils reviennent, l’un après l’autre, comme si c’était, tiens, un refrain, comme si parfois, ici, à cette hauteur




 © les auteurs et CIRCE