Vincenzo Ostuni (1970), diplômé de psychologie et de philosophie, vit et travaille à Rome dans l’édition : auprès de Minimum Fax d’abord, puis pour Fazi, actuellement pour Ponte alle Grazie. Il a dirigé l’anthologie Poeti degli anni zero (Ponte Sisto, 2011), est parmi les animateurs du groupe TQ et du festival de poésie ESCargot de Rome ; il collabore avec les revues Caffè illustrato et Alfabeta2. En 2004, il a publié Faldone zero-otto (Oèdipus) et a été en 2009 un des vainqueurs du prix Delfini. Récemment, il a publié le volume Faldone zero-venti. Poesie 1992-2006 (Ponte Sisto, 2012) et vient de terminer son dernier recueil, Faldone zero-trentanove (poesie 1992-2010), dont est tiré le texte ci-dessous.
4.
(« Si je regarde un paysage, mettons – du train, par exemple ; et c’est du reste la seule expérience pour beaucoup ;
mais plus riche quand même
que la plupart des urbanisés du globe : désormais, plus de cinquante pour cent ;
si je regarde un paysage, je ne reconnais littéralement rien
qui m’appartienne ;
et à part une rêveuse identification, ou un sentiment ivre d’aliénation, je ne devine
qu’une horrible, brillante étendue de corps et d’êtres diamétralement lointains,
de monstres familiers et donc doublement sauvages,
de mirages vains ou autotrophiques, de tumeurs avancées ou à leurs débuts, mais non mineures ; de sueur et liqueurs
fétides, mouvements
lourds des tonnes par milliards sur des milliards de mètres, hécatombes ignées et troupes immenses d’organismes-cercueils.
Si je regarde le paysage,
que ce soit ici le Karst lustral, ou là cet autre troué fatal Apennin toscan,
derrière un voile-brouillard – papier de soie –
je ne sens
aucun tropisme bénin ni impulsion homéostatique, aucune victime de l’industrialisme ni le résidu d’un holocauste programmatique ; je ne vois même pas la catachrèse du mal :
mais une texture obtuse, gagnante, une scène de foule sans pitié
pour ceux qui meurent et qui restent, ceux qui s’en vont comme nous et ceux qui continuent
– chèvre, fourmi – à faire pour toute l’éternité la même fête
si effrontée»).
5.
(«Que la Nature est une connarde folle, voilà ce que je veux te dire – et non mère ni marâtre (ce serait presque la même chose) ;
qu’aveugle et précise
elle passe vite en pressant les gonades de tous ;
qu’elle a vaincu depuis toujours et nous pensons – idiots ! – pouvoir lui faire du mal
qu’elle nous regarde ensuite bêlant tout bas avec ses yeux-rectangles vides de l’autre côté de la plage hivernale,
tandis que nous restons piteusement embarrassés sur quoi faire de nous-mêmes, sur
où s‘enfuir »).
(En bêlant)
(« Chaque partie est revenue dans ses propres frontières, chaque chose récite à nouveau et pour toujours son nom propre, elle a arrêté
de jeter des ponts, des fleurs
vers les récepteurs, vers les temps et les espaces alentour.
Mais si chaque chose est un pur être en soi, chacune est chaque autre, vous devriez le savoir ;
et il n’est pas utile de se répéter en légions de convexes, parfaits »).
(«Vous avez été prévenus »).
© les auteurs et CIRCE
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[N.B. Il n'a pas été possible, pour des raisons d'architecture imposée du Blog, de respecter exactement la disposition du texte original. Nous nous en excusons auprès de l'auteur]
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