In memoriam Mario Benedetti
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« Pauvre
gloire humaine,
quels
mots avons-nous encore pour nous ? »
(Umana gloria, Mondadori 2004)
Le
poète italien Mario Benedetti, l’un des meilleurs de sa génération, vient de
s’éteindre dans une maison de repos de Vho où il était hospitalisé depuis un
accident cérébral consécutif à un infarctus. Né à Nimis (Frioul) le 9 novembre
1955, enseignant, traducteur de Michel Deguy, Benoît Conort, Yves Bonnefoy, il
avait obtenu le prix Brancati en 2014 pour Tersa
morte, Milan, Mondadori, 2013 (voir : https://www.recoursaupoeme.fr/avec-une-autre-poesie-italienne-une-lande-imprononcable-peut-etre/ ) et le prix Villalta en 2018 pour
l’ensemble de son œuvre (Tutte le poesie,
Milan, Garzanti, 2017) ; il est mort à Piàdena, atteint du Covid19, ce 27
mars 2020.
Avec
la regrettée Joëlle Gardes, Jean-Charles Vegliante avait proposé un large choix
bilingue des Poesie à divers éditeurs
français. Sans succès (il y aurait à dire, une autre fois, sur la prudence des
éditeurs français pour tout ce qui n’est pas évidemment rentable). Ce court
poème, traduit par son ami Vegliante, en guise de salut. Au revoir, Mario :
Ce qu’est
la solitude.
J’ai
pris avec moi des vieilles choses pour regarder les arbres :
un
hiver, les dernières feuilles sur les branches, un banc désert.
J’ai
froid comme si je n’étais pas moi.
J’ai
pris un livre, je me dis que je me suis pensé dans un livre
comme
un homme avec un livre, naïvement.
On
aurait dit un jour lointain, ce jour, pensif.
Il me
semblait que tous avaient vu le parc dans des tableaux,
ce Noël
dans des récits,
les
gravures sur ce parc comme son épaisseur.
Ce
qu’est la solitude.
La
femme a étendu la couverture sur le plancher pour ne pas salir,
elle
s’est étendue en tenant les ciseaux pour se frapper à la poitrine,
un
marteau parce qu’elle n’avait pas cette force, une grande obscénité.
Je l’ai
lu sur une page de journal.
Excusez-moi,
vous tous.
(Umana gloria, 2004)
© CIRCE, et les auteurs