Elio Pagliarani (25 mai 1927 - 8 mars
2012) a été l’un des auteurs remarquables de la deuxième moitié du XXème
siècle italien, trop peu connu ici. Avant tout poète, proche d'un certain réalisme même au sein de la célèbre
néo-avant-garde des années 1960, critique théâtral (pour Paese sera), intellectuel engagé, Elio Pagliarani a été
enseignant à Milan avant de s'installer à Rome où il collabore à Quindici
et à la "Cooperativa scrittori", et fonde la revue Periodo
Ipotetico qu'il dirigera (entre autres, Valerio Magrelli y fait une très
précoce apparition, aussitôt répercutée dans notre Printemps italien, 1977). Il écrit
aussi pour la scène (La bella addormentata nel bosco, 1987) et divers journaux. Après des recueils comme Cronache e
altre poesie (1954), il atteint la notoriété avec
"Progetti per la ragazza Carla" (1959) publié en entier dans le n° 2 de Il Menabò, la revue de Vittorini et Calvino (1960), et enfin en volume : La ragazza
Carla e altre poesie
chez Mondadori en 1962 (mais le
petit "roman en vers" avait été déjà inséré dans l'anthologie des
"Novissimi" de 1961). Deux ans
plus tard, Lezione di fisica, complété dans Lezione di fisica e fecaloro (Feltrinelli, 1968) marque un temps fort d'expérimentation,
cependant que mûrit le projet d'un second "roman en vers", la Ballata
di Rudi (en
1977 sort un "doppio
trittico di Nandi" mais le livre achevé ne verra le jour qu'en 1995 : La ballata di Rudi, Milan,
Marsilio). En français, nous en traduisions quelques fragments pour la belge L’VII, magnifique revue mal distribuée
en France, et les Langues Néo-Latines. Suivent des Épigrammes, imitées – si l’on peut ainsi dire – de Savonarole, puis d'autres moralistes du passé, dont
un court choix est présenté ci-dessous (de : Epigrammi ferraresi,
Manni,
1987) ; le goût pour la
parodie, avec collages, récritures, anamorphoses etc. est peut-être une constante de son œuvre,
assez peu étudiée (mais le manuel pratique de dactylographie, repris dans La ragazza Carla, lui, est bien connu).
Il faut rappeler aussi – avec ses inévitables simplifications d'époque – un important
Manuale della poesia sperimentale (en
collaboration avec G. Guglielmi), Mondadori 1966.
[J.-Ch. V.]
Épigrammes ferraraises
1.
Dans
l’insipience qui est la mienne je dis qu’il me faut parler.
Ceux-là
disent qu’est bienheureux celui qui a du bien.
Les
six avec leur hache à la main furent tous des anges.
2.
La
prophétie n’est pas chose naturelle ni ne procède de cause naturelle ;
beaucoup
l’imaginent jaillie de disposition individuée
par
purge et saignée : plus un homme a purgé de ses vices
volonté
et attachement aux choses du monde
d’autant
mieux il sait deviner les choses futures.
Cela
n’est point vrai et se démontre : car la prophétie a été donnée même aux
méchants
comme
fut Balaam homme très-scélérat.
Comme
vient le soir, casse le mur : ne sors pas par la porte.
3.
En
découle que la terre de par son appétence naturelle va vers le bas
et
que l’amour est accident.
4.
Jeunes
gens, vous n’avez pas fait toute chose.
Lavez-vous
du reste tout ce carême.
Lavez-vous
de l’anathème : vous avez la malédiction en votre demeure.
(Ils
ont tant de bien qu’ils s’y étouffent).
5.
Mais
les miracles se terminent quand ils sont réalisés
comme
est d’illuminer un aveugle, qui termine à la lumière
ou
de ressusciter un mort, qui termine à la vie.
Epigrammi ferraresi, 1987 (tr. J.-Ch. Vegliante).
© les auteurs et CIRCE
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