porta

porta
Daniela Iaria, "Attraverso la porta bianca-fiume", 39x41 cm, 2004.

lundi 7 décembre 2009

Giovanna Bemporad

Giovanna Bemporad (Ferrare, 1928). Elle publie en 1948 Esercizi, couronné par de nombreux prix. Elle a également traduit l’Iliade et l’Odyssée en italien, ainsi que des poètes français (Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, Valéry) et allemands (Hölderlin, Rilke). En 2004, elle publie Lettere di Camillo Sbarbaro e Giovanna Bemporad (1952-1964). Sa traduction de l’hébreu du Cantique des Cantiques a paru en 2006.


C'est comme un jeu
de vents dans la poussière d’un pré
sans frontières, l’anxiété des vivants…
et au seul mot de jeunesse je sens
se serrer mon coeur comme devant une flamme
qui se résout en cendre.

, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , De : Aforismi

***


La mer
, , , , , , , , ,(à Gerardo Diego)

Tu délies mes sandales par la dérive
d’une onde : naïade ou nymphéa je me couche
sur ton étincelante, ondulée
chevelure pleine d’ombres, ô mer,
comme si j’étais une déesse libre et nue,
sans harpe ni pupitre, poitrine au vent,
qui, sur un lit d’herbes, à un avenir
d’heureuse paresse s’abandonne…

, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , De : Altri esercizi


(édités, avec des variantes d'auteur(e), par Francesco Marotta (blog rebstein.wordpress).)

, , , , , , , , , , , , , , , , ,, , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,© les auteurs et CIRCE

vendredi 13 novembre 2009

Patrizia Vicinelli

Patrizia Vicinelli est née à Bologne en 1943, où elle est morte en 1991. Dans les années soixante elle travaille dans le théâtre et le cinéma expérimental avec Aldo Braibanti, Emilio Villa, Alberto Grifi. Elle rejoint le Gruppo 63 en 1966. L’expérimentation est au cœur de sa recherche artistique, qui explore les voies de la poésie visuelle et sonore. De son vivant elle a publié a. à. A (Lerici, 1967), Apology of schizoid woman (Tauma, 1979) et Non sempre ricordano (Aelia Laelia Ed., 1985). Suite à un premier recueil posthume en 1994, Opere, (All’Insegna del Pesce d’Oro), un volume présentant la plupart de sa production vient de paraître sous le titre Non sempre ricordano (Le Lettere, 2009).


Arbre de Judas


Il faudra te racheter, ô nom des noms,
tu es parmi nous avec d’autres noms, et beaucoup
font semblant de ne pas s’en apercevoir.
Que m’importe le nom, si à d’autres noms
tu es lié et qu’ils nous emprisonnent tout comme
aux temps anciens, au temps des pharaons, temps
des pharaons, qu’est-ce qui a changé, ho là,
un beau jardin fait par quelqu’un que je connais,
évidemment on va le lui faire payer
cher, hé, friend, je me souviens, c’est ainsi
depuis un bon bout de ce qu’on appelle temps,
nous, à pic sur les collines désertes on la regardait
la lune, même de certains seuils,
et qui peut l’empêcher, l’homme, d’être ?
non, Judas, toi non plus, avec ton nom mal famé,
précisément le plus pauvre, ta grande petitesse
à présent je l’exalte, et non plus nuire aux autres
mais bien plus qu’à toi-même, si jamais était vrai
ce que les pharisiens rapportent, comme ils font toujours,
je croirais même les journaux, et sûrement
les speakers de la télévision.
Et pourtant, ami douloureux, moi je t’accepte, et je te la
donne, ma bénédiction, le plus négligé d’entre les hommes,
quel destin pitoyable, oh Judas !
Nous, amis sur terre, aimons la nature,
et nous raconter les dernières aventures qui toujours
traitent de la vie, de la vie chaude et enflammée.
Je te raconterai près de l’arbre,
qui te porte, quelque belle histoire d’exquises
trahisons, qui ont porté loin,
qui ont porté loin. Au bout du compte
un destin pitoyable est vraiment préférable, tu le sais,
car ainsi nous avons quelques chances d’être les hommes
que nous sommes, ou alors ce n’est que du vent.
Judas, tu t’es compliqué les choses, on t’a
compliqué les choses, mais il y a quelqu’un, quelque vieux
connaisseur de talents, quelque magicien,
qui sait que paso, à l’ombre du même
jardin que cette nuit.



de: Opere, introd. et notes Renato Pedio, Scheiwiller, 1994.

© les auteurs et CIRCE

samedi 10 octobre 2009

Biagio Cepollaro

Biagio Cepollaro (Naples 1959) vit actuellement à Milan.
Son écriture, guidée par des questionnements profondément éthiques, explore les rapports de l'homme moderne avec la nature artificielle des paysages urbains. Sa trilogie De requie et Natura (1985-1997) témoigne très tôt de la dimension "civile" de sa poésie. Il se sert, pour nourrir et diffuser sa poésie et ses réflexions, de tous les supports à sa disposition. Après voir collaboré à de nombreuses revues, il ouvre dès 2003 un blog, "Poesia da fare", qui deviendra une revue mensuelle en ligne, Rivista, parallèle au projet Poesia Italiana E-book. Depuis 2008, il se consacre aux arts et à la poésie visuelle.


[ II ]

.....................

maintenant rassemble ce souffle
dense de marais
et dissous-le
dans la lumière…
elle aussi se tourne
et commence à se désagréger
le calendrier
accroché au mur

⎯ nous avons vécu jusque-là
coupés en deux
⎯ il n’y a pas de vie
qui ne couse ensemble
le jour et la nuit…

tout cela nous fatigue
⎯ ce monde
n’est pas fait pour le bonheur
et la barbarie inexorable
avance
à chaque nouvelle dégradation
des coutumes nationales
à la traîne d’un occident
indécis entre extermination
et suicide collectif
distillé
certes avec tout cela on laisse pousser
sa barbe
plus d’un jour et des heures
de sommeil
et la ville dans les yeux
qui se ferment
s’éloigne

[…]

certes tout cela nous fatigue
mais c’est un travail à faire
pas tout seul
⎯ ce n’est pas un travail
à faire tout seul
mais il est à faire
et pas demain
et pas seulement symboliquement
dans les gestes faits à la place
d’autres gestes
mais dans l’action dure
et simple
de ne pas laisser de répit
au cadavre
que nous portons sur nous

*

quand sur les pavés il reste
la vieille peau
nous allons dans les rues
guidés par notre flair
et les lumières sont brouillées
et la ville n’est plus
la même
les odeurs montent des flaques
les restes au milieu de tickets
et de préservatifs dans l’ensemble
des traces
de plastique
de ce qui d’une certaine manière
même sordide
était vivant et que nous
ne pouvons même pas
imaginer

mais c’est au milieu de ce fer
que l’humain
est à développer

ainsi ce matin
qui est un matin de fête
de grève
générale
fêtons ainsi
le mouvement
de l’eau
à la vie on ne peut
demander moins
que d’être vivante

oh oui nous restons saisis
à la vue
de la pente
nous n’aurions jamais
imaginé
que ce qui nous fait sortir
chaque matin
du lit
c’est cette envie
de supprimer la ville
de liquéfier les murs
⎯ comparés à eux
les graffitis
sont encore un ornement.


,, , , , , , , ,, , Lavoro da fare (2002-2005), Poesia Italiana, E-book, 2006.
, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,, , , , ,,, , , , , , , , , , , © les auteurs et CIRCE





jeudi 10 septembre 2009

Marco Giovenale

Marco Giovenale est né à Rome en 1969; a travaillé sur Roversi (éd. d'une anthologie récente, chez Sossella); anime le site Slowforward (lien sur Giovenale colonne de droite); intervient dans le manifesto; actif au festival RomaPoesia; présent dans diverses revues en ligne, ainsi que dans "Poesia", "Or", "Le Bateau fantôme", "Atelier", etc. Il diffuse par mail la lettre mensuelle bina, un don de poésie. Son livre de poèmes Il segno meno a été publié chez Manni (2003) avec une préface de L. Magazzeni. La casa esposta, avec des photos de l'auteur, a paru en 2007 à Florence, Le Lettere.




La maison exposée


Quand il n’y a plus de haies
se déverse la photo des haies.

Témoin, rends le sceau authentique,
fonds la cire. (Depuis le soleil).

Argument et destination.

Mais vers le mur des deux brûlés
sous le chemin de ronde du haut
qui incurve le lierre, potus, l’olivier, trop large
pour l’enlacer, rappelle à l’odorat la trace
humide, les croix de la cage-fenêtre
telles qu’observées par la vitre verte, grasse
alors que peu nombreuses étaient les années du corps
les années du commencement

- là, la cuisine grandit au souvenir
mais la poussière la disperse, la diffuse.

Ce matin cela entre, fait retour avec les langues
de mémoire. Dans le noir des murailles, dans le violet
qui force ou effleure des serrures puis des poutrelles
horizontales de fer, à vide. Il entend

Alors tout sera bien quand nous
qui avons habité (
aimé) ici
nous serons tous des noms morts
nous serons tous depuis nos propres
graines – ultime accomplissement –
parfaitement finis, sans restes
dans personne qui aurait
– même non reflétée – quelque parole



[…]


ils n’entrent plus, tout changé, était changé, n’y habitent pas







, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , de: La casa esposta, Le Lettere, 2007

, , , , , ,, , , , , , , , , , , , ,, ,, , , , ,, , , , , , , , © les auteurs et CIRCE

dimanche 2 août 2009

Ernesto Calzavara

DIALECTALES...

Certains poètes présentés par CIRCE écrivent aussi dans leurs dialectes respectifs (langue ou dialecte, ici, ne fait pour nous aucune différence). Suivant quelques principes dont on peut se faire une idée en allant dans notre site (art. en ligne "Traduire, une pratique-théorie", avec un ex. d'application à E. De Signoribus), nous en proposons parfois des versions françaises.



S’il n’y avait pas

, , , , , , , , , , , , , , , , , , Se no ghe fusse...


Le chien marche sur les galets.
S'il n’y avait pas le chien
entre moi et les galets
je ne comprendrais pas ce monde, moi
je ne comprendrais pas.

Les poissons nagent dans l’eau
l'eau passe à travers les poissons
les oiseaux volent dans l’air
l’air les traverse...
S’il n’y avait pas les poissons
s'il n’y avait pas les oiseaux
entre l’eau et moi
entre l’air et moi
je ne pourrais pas vivre ici, moi
je ne pourrais pas.

S’il n’y avait pas d’animaux
dans ce désert
je n’y resterais pas, moi
je n’y resterais pas.

, , , , , , , , , , , , , ,, , , , , , , , , , , , , , , , de : Analfabeto (1979)

, , , , , , , , , , , , , , ; (trad. du trévisan : Lucrezia Chinellato & Sarah Ventimiglia)

, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,, , ,, , , , , , , , , , , , , ,© les auteurs et CIRCE

lundi 6 juillet 2009

Ernesto Calzavara

La poésie d’Ernesto Calzavara (1907-2000), surtout en dialecte, est un exemple original du rapprochement des formes nouvelles de la poésie du XXe siècle au monde traditionnel et rural, dans le but d’atteindre, au moyen d’un langage réinventé, une vérité poétique qui demeure aux origines des éléments. De Milan, où l’auteur vécut dès 1933 pour exercer sa profession d’avocat, les poèmes de Calzavara continuèrent de s’inspirer au paysage vénitien.
Parmi ses recueils : Poesie dialettali (1960), Parole mate Parole pòvare (1966), Analfabeto (1979), Le ave parole (1984), Rio terrà dei pensieri (1996). Des résultats indiscutables de sa poésie ont été réunis chez Garzanti, sous le titre Ombre sui veri (1989).




Le chien et le cercle

Le chien aboyait au volume
de l’hôpital nocturne monobloc
qui lui tombait dessus, l’irritant

La masse hébergée
élargie comprimée déchirée
étendue refermée entrouverte
accordéon de pierre
laissait sortir des soupirs malades
par d’asymétriques trous bouches fenêtres

Le chien mordait absorbait dans l’air liquide
ces faibles sons
anonymes infirmes souffles sourds
douleurs englouties

Puis à la lune étrangère
puis au halo de la lune allusive
abrasive, il aboyait furieux
et le CERCLE

, , , O

plus large plus large parfait
des dilatations vocales
équivalait toujours à l’autre
halo vague là-haut dans les cieux

sans l’atteindre jamais.



, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , de : Le ave parole (1984)





La morte del giorno in paese



La mort du jour au village

Et les hommes fatigués de souffrir
tuèrent sur les routes
le Cochon du Jour
suspendu par les jambes
d’une maison à l’autre
la tête en bas.

La bête avant de mourir
avait hurlé le gosier en sang
toutes les rages de cette sale vie
en détruisant fleurs et feuilles.

Les hommes arrachèrent
de son ventre déchiré
les graines de la nuit
en les éparpillant tout autour
ils se retirèrent dans les briques et les ciments.

Après le dernier souffle
sur la dépouille du dieu-cochon
d’en haut se déroulèrent
les fils du silence.

Des scarabées noir et or
escaladèrent
les cerneaux d’oreilles.

L’âme de la lumière se rendit à celle de l’ombre.

Vagues de sommeil
marée montante
par-dessus tout.
Dans l’obscurité le chuchotement
des Invisibles.



, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , de : Analfabeto (1979)

, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , © les auteurs et CIRCE

mardi 2 juin 2009

Gregorio Scalise

Poète, dramaturge, Gregorio Scalise est né en 1939 à Catanzaro et vit actuellement à Bologne. Ses débuts sont sous le signe de la poésie visuelle et de la néo-avant-garde ; son premier recueil (A capo) est publié par la maison d’édition Geiger dirigée par Adriano Spatola. Avec Segni, présenté dans l’anthologie Il pubblico della poesia de A. Berardinelli e F. Cordelli (1975), il obtient une large reconnaissance de la critique, notamment de Fortini. Parmi ses recueils l’on peut citer aussi La resistenza dell’aria (1982), Poesie dagli anni ’90 (1997), La perfezione delle formule (1999).


1.

Che il mondo segua una linea verticale...


Que le monde suive une ligne verticale,
les nuages le font comprendre,
car les choses les plus belles
viennent à nous entre les failles de vent ;
si son esprit pouvait se délier
mais l'évocation est une zone sèche
où s'épuise le langage,
si au cours des siècles
les hommes décident toujours :
l'eau frappe de mille langues
une plage herbeuse
et les objets, réunis à la chose,
savent que les yeux ne suffisent pas
pour conserver un secret.

(Danny Rose, 1989)


4.

Giunge l’eco di una rosa...


L'écho d'une rose arrive
sur les murets peints, tout semble
être une conspiration de la paix
avec un automne solitaire qui s'achève,
et pourtant il faut se méfier du calme,
les yeux essaient de regarder
ce qu'ils ne peuvent voir,
on s'en remet à des gestes rapides,
sûrs, mais les choses reviennent
avec leurs pointes aiguës
et leurs limites indistinctes ;
à présent la lumière vole, puis un nuage,
les mirages ironiques de l'histoire
s'amusent en mille formes
avec une forme unique.


- - - - - - - - - - - - - - - - - - in Opera-opera, Poesie scelte 1968-2007,
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - Luca Sossella ed. 2007


- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - © les auteurs et CIRCE

mardi 5 mai 2009

De Marchi

Pietro De Marchi est né en 1958 à Seregno, près de Milan. Il a étudié à l’université de Milan, puis à Zurich, où il vit depuis 1984. Actuellement il enseigne la littérature italienne aux universités de Zurich et de Neuchâtel. Il a publié deux recueils de poèmes : Parabole smorzate (1999) et Replica (2006), parus chez l’éditeur Casagrande à Bellinzona (CH).



Illusion d’optique

Si le balbuzard, ou aigle pêcheur,
naturellement fait ce que l’instinct lui dicte et immobile là-haut
se laisse porter par le vent, puis plane en larges cercles
et, arrivé à fleur d’eau, ride un instant
la surface du lac, en quête de corégones ou de perches
passant et repassant jusqu’à ce que la chance serve son bec ;
si quelqu’un te prête des jumelles
et pendant que tu regardes tout à coup il te semble que l’aigle,
ses larges ailes déployées, s’écrase
contre les balustrades des balcons sur l’autre rive,
presque aussitôt tu sais qu’il s’agit d’une banale illlusion d’optique,
un effet d’aplatissement de la perspective
car en réalité ce qui compte et t’attire
se passe au milieu du lac, n’a rien à voir
avec les demeures patriciennes, le gravillon des allées, les gros bateaux
de plaisance amarrés dans les garages.




Encore du côté de Marina

Là où l’été dernier un lézard fut
la proie ignare d’un jour heureux
tu penses aux amours qui durent plus que les dunes,
à la cigale qui recommence son chant,
tous les ans la même chose.
Au soleil-ombre des pins paraît indemne
des affronts du temps
ton goût féroce pour l’été.




; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; ; Replica, Bellinzona, Casagrande, 2006
, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , © les auteurs et CIRCE

lundi 6 avril 2009

Lidia Riviello

Née à Rome, où elle habite, Lidia Riviello est responsable de la poésie dans l’émission Radiotresuite. Depuis 2004, elle co-dirige le festival de poésie Romapoesia.
Elle a publié, entre autres, La metropolitana (Signum, 2001) et Rhum e acqua frizzante (G. Perrone Ed., 2005). Prix Antonio Delfini 2007 avec le recueil Neon 80, dans lequel le néon incarne la non-lumière, évoquant les « non-lieux » décrits par Marc Augé, d’une société où règne l’artificiel : par ce « gaz noble, inerte, presque incolore » déclare-t-elle, « le soleil s’éteignait».



La terre du néon, année quatre-vingt

[…]

C’étaient des tempêtes plutôt que des feux d’artifice
c’étaient des tempêtes
qui se sont abattues sur nos raisons.
Dans les années néon il n’y avait nulle part de sole mio,
nous cachions le vrai-faux dans les disques
car on n’aimait plus depuis des siècles et
des biens comme le plastique et le satin étaient dissimulés,
on économisait sur le caoutchouc
les aiguilles luisaient et l’hallucination
était l’unique substance du père.

On conservait les matériaux du recyclage
corrodés dans les grandes villes
avec de l’herbe et de l’ammoniaque, gardés dans des emballages - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - brillants.
Eh oui, fallait bien qu’ils gèlent
pour construire le nouvel esprit sauna.
Une fois prête la génération des faiseurs de néant,
à pieds et à roulettes on allait
dans les années quatre-vingt punk et cerise, les âmes
n’étaient qu’aux filles, tant de blond violentait le goût
et l’arrière des culottes était compromis par
les stupides coutures du marché aux puces.
Rien de très original, vu de derrière.

[…]

La génération précédente ne fit plus peur
nous en avions épié les mouvements dans le bois, puis acquis
leur pâleur, le nonchalant sentiment
d’appartenance aux oasis de ciment.
Et dire que nous pensions vaincre
la misère avec la danse, comme on fait dans
les terres ignorées par l’eau et les banques du sperme.




Quand le néon s’éteignit


Quand le néon s’éteignit
nous nous sommes retirés dans l’obscurité en action noire
sans eau minérale sans sel et sans faire
convaincus que de la ville d’en face
on nous rendrait le soleil.
Et nous avons soufflé deux ou trois projets d’aube adriatique
quand le volume des empreintes réduisit nos traces
à des chemins d’IKEA.
Alors, au contrôle social nous avons antéposé
cette étrange forme initiale, ce recommencement.

Pas de néon qui se soit éteint sans raison
pendant la journée,
et quand les puissants de la terre nous obligèrent
à mettre de l’ordre dans le vide malpropre
alors nous avons fait exploser les lampes à huile conservées
dans les meubles vitrés des présidents.
Mais l’explosion fit naître un silence
formel, comme un parfum gucci, ou simili.

Quand le néon s’éteignit nous étions peu nombreux et pris
par d’objectives spéculations.
Protège-rien et les humidificateurs pour la veille, car nous devions
entrer encore dans la vitesse de la lumière, dans l’étau



Et ils n’ont pas voulu en 1980 nous écouter chanter
ni emprunter des pseudonymes de décadence et donc nous avons - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - résisté à la chute
avec la vidéo, faits de vidéo, nouveaux et originaux
chats bottés, action immédiate.
Tels des vampires, nous survivons seulement à coups de somnifères, et
en volant tels des flamants roses.
À force de rester intensément dans le bois le marais
s’assèche.

Nous fûmes éteints avec le néon, en fait.
Disais-je.



- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - De : Neon 80, Zona ed. 2008

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - - -- - - - - © les auteurs et CIRCE

vendredi 6 mars 2009

Enrico Testa

Enrico Testa enseigne les Lettres Italiennes à l'Université de Gênes. Il travaille sur l'élément narratif et les structures d'ensemble dans la poésie contemporaine, dont il a procuré une anthologie originale intitulée "après le lyrisme" (Dopo la lirica - Poeti italiani 1960-2000, 2005) ; ses recueils, marqués par l'absence et la nostalgie, souvent déclinées par la métaphore du paysage, sont publiés chez Einaudi (In controtempo, 1994 ; La sostituzione, 2001, Pasqua di neve, 2008).




dans des temps concordants, l'été,
bien qu'en des lieux différents
du même Apennin,
nous avons essayé, enfants,
de remonter les torrents
pour en trouver la source.

Il y avait une obscurité de sous-bois,
des fougères, un vert à peine plus intense,
un peu de mousse
et des pierres ruisselantes
et rien d'autre :
la déception de l'origine






elle suit un mouvement fluide et vertical
cette montée de la colline
tournant après tournant
vers le soir.

Même les assassins disent
que le vent de septembre est doux :
il nous pousse
parmi les oliviers et les cyprès
et il nous défend
jusqu'à l'anse neutre du balcon
qui sous le ciel gris clair
s'ouvre face à la mer.

Mais à présent, dans le noir,
nous sommes encore en quête
de ton aide :
nous t'appelons du jardin
cachés, par jeu, derrière le mur






sur le terre-plein de la voie ferrée
longeant le bois
les troncs des acacias
sont noirs après la pluie
comme des traits d'encre qui s'écartent.

Pâques est désormais le papier d'argent,
poussiéreux et pâli,
des oeufs, suspendu
aux branches des cerisiers.
Rubans qui miroitent dans le vent
et devraient tenir à distance
le peuple envahissant des merles


. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . .(Pasqua di neve, Einaudi, 2008)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . .© les auteurs et CIRCE

jeudi 19 février 2009

Lorenzo Calogero, inédit


Un distico si sfalda appena
e poi le turgide arborescenze
o qualcos’altro: ma m’intrattiene
oggi questo riposo nei boschi.
A mattina ero partito
dal riposo dei tuoi occhi tenui verso la cima
di una città fantastica e il ritmo dei pini
mite nel vento fosco diviene,
una remora un lemure era
o lo spazio quadrato.


Un distique se scinde à peine,
ensuite les arborescences boursouflées
ou autre chose : mais aujourd’hui ce repos
dans les bois me tient compagnie.
Le matin j’étais parti
loin du repos de tes yeux fragiles vers la cime
d’une ville rêvée et le doux rythme des pins
dans le vent devient sombre,
c’était un scrupule un lémure
ou l’espace carré.

, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , (inédit)
, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , © Villanuccia & CIRCE

lundi 2 février 2009

Lorenzo Calogero

Come in dittici (1956)

Médecin (municipal) sans patients, écrivain sans éditeur, suicidaire, phobique, Lorenzo Calogero (1910-1961) aura été l'un des rares purs poètes du XXe siècle italien. Plusieurs fois interné (Villa Nuccia, Gagliano), il disait "apprendre ainsi / face à une faible lumière penché / le faible déclin du silence / de la vie". Apprécié de C. Betocchi, L. Sinisgalli, G. Tedeschi, il a été lu attentivement par Amelia Rosselli, qui nous avait conseillé autrefois déjà sa traduction.

Bene, purché al piede…
Bene, purché al piede, molte volte
subacqueo, una lentezza derivi
del moto del fiume, non solo una fortuna
satura della natura di tutti gli uccelli
immersa nel tempo umido e, all'insaputa,
rapida e venata d'azzurro,
ma anche dentro una dolcezza,
cui sia una ventata calda
trascinata alla riva,
in un grido umido rigido la quiete più stanca
ed oscura già esala.


***

D’une rive
D’une rive naît à la douleur
le jeu. La neige n’est pas comme
la soif, ombre comme la mort.
Il fait déjà jour, le dernier
qui te reste. De son maigre pas
le sommeil est une ombre opaque
qui te piétine.
Cendres ton sang,
suc agreste, distille
un faible son, et si tu te lèves,
aussitôt tu t’appuies sur une pluie
qui rejaillit des racines vers tes vêtements.
Je le savais. Une blonde et claire
gravité scintille, après la pluie,
immobile, humide sur l’herbe. Ou tu te caches
ou bien il y a du sang. Par moments
ou une falaise ou un paysage.
Morne une lumière est sauve
à la marge des rêves.
S'avancer sur la haie
dénudée, écho aride
dans un rayon
qui s’élève.


Bien pourvu qu’au pied…
Bien, pourvu qu’au pied, très souvent
sous l’eau, une lenteur dérive
du cours du fleuve, non seulement un hasard heureux
empli de la nature de tous les oiseaux
plongé dans le temps humide et, à son insu,
rapide et veiné de bleu,
mais aussi dedans une douceur,
où soit un souffle chaud
tiré vers la rive,
en un cri humide, rigide, déjà le calme plus las
et obscur émane.



Sur un rayon
Sur un rayon était la pluie.
Je ne sais pas d’autre douleur
et, puisque le vent vide
froid ne peut plus reconnaître soi-même
à travers mon corps sombre mince
de verre pur, maintenant je parle.
Je n’ai rien contre les instants,
les derniers reflets qui perturbent
le calme de ton sourire
dans le sommeil sur le mur,
ultime errant visage tourné
vers la fin accomplie de soi-même. En deux distiques
élégants le crépuscule t’entraîna dehors
sur la douceur qui était aux sommets.

S’écroulent là-haut les couleurs. À l’écart
je ne sais quoi d’autre était près de toi,
pris clairement de ton côté
sur la légèreté défaite des ruines.



- - - - - - - - - - - -- - - - - De : Opere poetiche, Milano, Lerici, 1962

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mardi 6 janvier 2009

Matteo Marchesini

Matteo Marchesini (né en Emilie Romagne en 1979), collabore depuis 1998 à l’annuaire critique de poésie sous la direction de G.Manacorda (Castelvecchi). Une brève anthologie de ses poésies a paru dans le volume Dieci poeti italiani (Pendragon, 2000). En 2004 il publie son premier recueil de poèmes Asilo (Edizioni degli Amici, Arezzo) et remporte le prix national Iceberg pour ses nouvelles Le donne spariscono in silenzio, paru en 2005 (Pendragon).

Asilo


Ancône, le port


Tu aimes les grues suspendues, dinosaures
en exil placide au-dessus du môle,
les câbles serrés sur les treuils, les gueules
sombres des bacs et le long solo

des scrapers dans lequel s'éteint le lamento
de leur museau jaune stupéfait : tu appelles
espérance d'enfance et transcendance
le lent, grave balancement au rythme des trafics,

et la danse de ces hauts jouets plus humains
que les hommes, tu voudrais la percer
jusqu'au mirage où l'Histoire cède

à son inconscient moqueur, et l'on entrevoit
dans le charme du mouvement pendulaire
un dieu enfoui, une lueur pour demain.



Ancône, allégorie


Peut-être un jour vivrons-nous au milieu des silos,
les grues seront pour nous toboggans et bois,
les proues, des terrasses ; en haut, les sombres cieux
du Conero, et plus bas, derrière l’école,

la mer et l’angoisse joyeuse des rails ;
nous pourrons alors déchiffrer l’énigme
de ces aciers aveugles, être les faussaires
d’une histoire plus fausse encore et de son dogme

qui pétrifie la voix de celui qui s’enfonce,
nous fabriquer un fragment incertain du possible
avec les scories du destin : et habiter

dans les branches de l’arbre sans trahir le monde…
(Ou peut-être l’espérance ne peut vivre
qu’inconnue d’elle-même, invisible, évadée…)


.. ............................de : La Città della polvere (ed. degli Amici)


***


Via Emilia Ponente


Les T.I.R. connaissent par cœur tous les champs,
le gravier des aires de stationnement, les pompistes
de la nationale neuf : au milieu des poulaillers,
au milieu des ruines, pour endormir les crampes
du sexe et du sommeil ils reposent placides,
les bâches rabattues. Ils se réveillent
au milieu des stands de galettes, penchés ils dessinent
des couronnes allumées comme de secrets
cirques ambulants, le nez pointé vers le Brenner.
Demain à Innsbruck pas de trattorias
sans enseigne, ni de décombres, ni de rues
Allende, Lénine, Gramsci, Guido Rossa,
ni les granges de ceux qui occupèrent autrefois
la route avec leurs charrettes, alla riscossa.



de : Marcia nuziale, Scheiwiller, 2009 (poème déjà publié, avec de légères variantes, dans Asilo, sous le titre I Tir, Edizioni degli amici, 2003.)
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